POURQUOI LE COLLAGE ?

La première question qui vient à l’esprit lorsque l’on aborde le collage est celle de sa justification et de son sens dans le monde actuel.
Alors qu’au début, surréalistes et cubistes s’acharnaient à « dé-construire » des images pures, banales, exemptes de toute manipulation, que leur talent magnifiait en œuvres étranges, oniriques ou esthétiques, aujourd’hui, devant la multiplicité de photographies falsifiées, de montages déviés de leur sens premier, il devrait plutôt s’agir de restituer leur authenticité …

Et pourtant, pourquoi ne pas se laisser aller à retrouver encore ce décalage par rapport à la réalité, nourri de son propre passé, de ses fantasmes, obsessions, interdits et craintes, s’il s’agit d’un besoin réel de les exprimer ?

Il m’arrive de mûrir longuement un projet dans la solitude, de le penser en images, que je recherche et accumule au hasard. L’aboutissement vient parfois longtemps après et parfois très différent, voire opposé.
D’où la collection de nombreuses coupures de presse issues de revues de l’actualité, de journaux d’art, de mode ou de géographie, d’affiches lacérées ou non, de photos personnelles, et de cette accumulation, parfois après une longue attente, un collage va s’articuler à partir d’un seul découpage.

coll-1751
La première tentation 11.2018

C’est le cas de la longue silhouette féminine argentée (coll-1751), partie d’une publicité, longtemps oubliée dans les cartons, avant que ne se présente la frêle silhouette de ce pape? actuel? abimé en prières.
Inclure ce dernier dans un meuble précieux en guise de confessionnal, où vient officier l’érotique présence de celle qui lui désigne à contrario les objets du désir et de la luxure, un serpent, mais de diamants, qu’une vestale dénudée enlace et qui traverse l’image de part en part, tandis qu’une sèche et ligneuse vierge médiévale vient s’incruster, comme figée et oubliée dans un des panneaux à l’extrémité du meuble.
Tentation refoulée au prix de prières désespérées ?

coll-1692
The riverside of the Minotaure 09.2018

Dans un autre ordre d’idée (coll-1692) il arrive que l’ensemble prenne forme spontanément. Au retour d’une exposition à Evian sur le « Minautore », avec des reproductions de gravures ou dessins de Picasso obligeamment offertes, l’idée m’a traversé de confronter le regard concupiscent de l’une d’elles à la présence d’une autre « monstre » bien actuelle, Pamela Anderson, en occultant son visage par celui du taureau fabuleux dubitatif ou blasé.
Allégorie de la complexité du désir fantasmé ou assouvi, mais aussi tarifé comme le suggère discrètement mais précisément le sigle du dollar.

D’autres collages parlent du vieillissement confronté à l’élan de la jeunesse, du temps passé ou perdu, et aussi de la mort qui rode insidieusement. Tous s’emploient à associer des fragments d’œuvres graphiques initialement étrangères les unes aux autres. Et il est quelquefois difficile d’y dissocier la part les images du passé, celle de l’actualité, et celle de mes préoccupations personnelles.

En fait, tous ces collages ont pris forme sans idée préconçue, ils m’ont en quelque sorte échappé pour donner forme à mes obsessions. On peut les y chercher, mais aussi s’abandonner à leur mystère, ou à leur esthétisme … C’est selon.